Aller au menu | Aller au contenu

TACT : un projet de recherche-action pour améliorer le traitement des situations de maltraitance

La recherche-action TACT (Traitement des Alertes de maltraitance en Coopération sur les Territoires) est un projet soutenu et financé dans le cadre de l’appel à projet « actions innovantes » de la Caisse Nationale de solidarité pour l’Autonomie (CNSA) entre 2021 et 2024. Convaincue de l’intérêt de cette action, la CNSA a choisi de soutenir financièrement ce projet d’un budget global de 640 000 euros par une subvention de 340 000 euros, attribuée à deux laboratoires de recherche : le Laboratoire de recherche en Santé Mentale, et Sciences Humaines et Sociales (Labo SM-SHS) du GHU Paris psychiatrie & neurosciences, et le Centre de recherche en droit et gestion sur les organisations de santé (CRDMS-IFROSS) de l’Université Jean Moulin Lyon 3.

Contexte

La politique publique de lutte contre la maltraitance est une priorité que soutient massivement l’opinion publique. L’intensification des signalements pendant la période de confinement en 2020 et la mise en visibilité de drames intimes vécus par les personnes n’a fait qu’en confirmer l’urgence. Mais les réponses aux alertes émises par les personnes ou par les institutions varient d’un territoire à l’autre. En 2021, aucun schéma national n’organisait de manière homogène le traitement des signalements reçus par les autorités publiques locales. Malgré la création en 2024 des cellules de recueil et de traitement des signalements[1], le manque de coopération entre les parties prenantes au niveau local nuit à l’efficacité de l’action publique.

Méthode

L’hypothèse de la recherche-action TACT était que la clé de l’efficacité d’une politique territoriale de lutte contre la maltraitance réside dans la capacité des parties prenantes à travailler ensemble, même si dans les faits, cette coopération rencontre des obstacles multiples. Les trois ans de recherche ont, de fait, mis en relation tout un réseau d’acteurs impliqués dans la lutte contre la maltraitance, soit une centaine de personnes issues de : 5 Agences régionales de santé, 4 Tribunaux judiciaires, 9 Départements, 2 Directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP).4 Maisons de prévention et protection des familles (gendarmerie), 3 établissements de santé et médico-sociaux, 5 associations d’écoute des victimes (ALMA) et 2 associations d’aide aux victimes. 

Ce projet a développé une méthode de recherche participative qui a combiné :

  • des ateliers sous la forme de focus groups avec des acteurs de terrain impliqués dans la lutte contre la maltraitance ;

  • des enquêtes qualitatives de territoire réalisées avec des co-chercheurs (professionnelles de terrain) ;

  • des ateliers de co-production d’un outil applicatif sous la forme de 9 fiches d’aide à la coopération.

Résultats

Deux grands résultats de TACT renvoient aux besoins de connaissances issus du terrain. D’abord, les initiatives sur le signalement des situations de maltraitance restent très locales ou catégorielles (par publics, lieux, faits), dont les enseignements ne sont ni répertoriés ni diffusés. Les acteurs de terrain se trouvent parfois isolés et démunis sur le sujet. L’éparpillement des acteurs nuit au maintien des initiatives locales : une dynamique réticulaire permet de soutenir ces initiatives.

Ensuite, la mise en dialogue de ces acteurs permet de lever l’opacité des pratiques qui sont considérées comme des boîtes noires (procédures de signalement et leur traitement), notamment en ayant recours à la « clinique de la maltraitance », c’est-à-dire au travail de réseau autour des situations de maltraitance. Un impensé des dispositifs territoriaux tels qu’ils existent réside dans la non-prise en compte des enjeux émotionnels du travail sur la maltraitance et l’absence de mobilisation des espaces éthiques pour faire des retours d’expérience sur les situations de maltraitance.

La recherche terminée en 2024 s’appuie sur trois étapes complémentaires en termes de production de connaissances et de propositions d’actions à mettre en place :

  • une analyse de la diversité des pratiques en matière de coopération entre acteurs publics ;

  • une investigation territoriale permettant d’identifier les facteurs clés de la coopération ;

  • une formalisation des résultats sous forme d’un rapport et de 9 fiches pratiques visant à améliorer la coopération des parties prenantes de terrain.

Sur la base de leurs retours d’expérience, les équipes de recherche proposent des clés opérationnelles nouvelles et évaluées pour une meilleure réponse aux alertes de maltraitance.

Coordination scientifique

La coordination scientifique du projet a été assurée pour l’IFROSS par Guillaume JAUBERT, maître de conférences en sciences de gestion (IFROSS/CRDMS). L’équipe comprend Estelle ARAGONA, docteure en sciences politiques et spécialiste des politiques du handicap, ainsi que Marion GIRER et Guillaume ROUSSET, respectivement, professeure et maître de conférences en droit et spécialistes de droit de la santé (IFROSS/CRDMS).

Emmanuelle JOUET à quant à elle assurée la coordination scientifique pour le Laboratoire de recherche en Santé Mentale, et Sciences Humaines et Sociales (Labo SM-SHS) du GHU Paris psychiatrie & neurosciences dont l’équipe comprenait Alis MONTOIS, historienne.

Léa RENOUF, docteure en psychologie a également assisté les équipes de recherche avec le soutien de l’association PRISM.

Valorisation

  • Le colloque « Lutter contre les maltraitances envers les adultes vulnérables. Enjeux et perspectives pour la recherche participative » s'est déroulé à Lyon le 22 octobre 2024

    Cette journée a réuni une dizaine d'intervenants qui ont présenté les différents enjeux de la thématique en France et au Québec : politique publique, droit, plaidoyer, analyse clinique, etc. La salle a rassemblé 80 personnes et la transmission en direct environ 100 personnes en continu ; les séquences vidéo disponibles en différé comptabilisent entre 30 et 100 vues, la vidéo intégrale plus de 1000 vues (chiffres à la mi-décembre 2024). Les organisateurs ont perçu un fort engouement de la part des intervenants et du public pour poursuivre les réflexions et développer un réseau de recherche participative.

  • L’équipe de recherche a été auditionnée par le comité chargé des États généraux des maltraitances (2023) et l’équipe projet a fait le choix de contribuer à ces travaux.

     Pour cela, l’équipe de recherche TACT :

    • s’est rapprochée de la mission IGAS/IGA/IGJ en charge d’analyser les circuits de signalement ;

    • a présenté au Comité de pilotage de la Stratégie Nationale un point d’avancement de ses travaux, les éléments issus de l’analyse documentaire, les livrables finalisés, et de grands constats (mai 2023) ;

    • a également proposé au Pr EISINGER, rapporteur de la mission confiée par le ministre au Haut conseil en santé publique de faire un diagnostic sur la recherche française sur la maltraitance, de présenter ses travaux et recherches bibliographiques (audition en juillet 2023).

    • Elle est également intervenue dans plusieurs séminaires d’Agence Régionale de Santé préparant la mise en œuvre des dispositions de la loi Bien vieillir portant sur la maltraitance.

  • La première édition du prix AKINOHA 2024 a récompensé Estelle ARAGONA, docteure en science politique recrutée en octobre 2022 en tant que post-doctorante sur le projet TACT. 

    La fondation AKINOHA, abritée par la Fondation de France, a vocation à financer des actions de lutte contre l'isolement des personnes âgées ainsi que des travaux de recherche consacrés aux personnes adultes vulnérables, notamment sur la maltraitance des personnes âgées ou handicapées en France. Le prix a été remis lors des Journées annuelles de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie, le 25 novembre 2024. D'un montant de 15 000€, il permet à Madame ARAGONA de poursuivre la valorisation de TACT en travaillant au montage du réseau de recherche participative.

 

Les suites : Le projet CESAM

L’équipe de recherche TACT a déposé en avril 2025 une demande de financement auprès de l’Institut pour la recherche en santé publique (IReSP) pour un projet de communauté mixte de recherche sur la maltraitance appelé « CESAM : communauté des expériences et des savoirs actionnables sur les maltraitances ».

Rapports et outils à destination des professionnels

L’ensemble des livrables de la recherche-action TACT sont librement accessibles :

  • le livret des 9 fiches TACT : « Repères pour la coopération dans le traitement des signalements de maltraitance d’adultes vulnérables », ainsi qu’un diaporama (fichier PowerPoint). Il s’agit d’un outil d’autodiagnostic permettant à chaque partie prenante et à un collectif d’acteurs d’engager une démarche réflexive sur :

    • les pratiques existantes en matière de coopération pour le traitement des signalements de maltraitance ;

    • les postures favorables ou non à la coopération sur son propre territoire ;

    • les cadres de travail à co-construire pour soutenir le traitement des situations de maltraitance.

  • le rapport de recherche : Estelle Aragona, Guillaume Jaubert, Emmanuelle Jouet, Alis Montois, Léa Renouf, et al.. Recherche-action TACT - Traitement des Alertes de maltraitance en Coopération sur les Territoires. Université Jean Moulin Lyon 3/GHU Paris Neurosciences. 2024, 88 p. ⟨hal-04999478⟩"

  • l’ensemble des annexes de la recherche.

 


[1]Loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie – titre II